Nos Histoires

De la vigne en cuverie avec Emmanuel

Emmanuel est notre artiste vinificateur. Passionné par la biodynamie, il guide nos équipes des vignes et de vinification pour produire des vins qui révèlent toute la pureté de notre terroir.


Le Clos Marey-Monge Monopole est le résultat de l'assemblage de sept cuvées issues de parcelles distinctes. Comment arrivez-vous à produire une telle œuvre d'art, d'année en année ?

C'est une chance inouïe de pouvoir travailler dans le Clos. Non seulement chaque parcelle, prise individuellement, produit des vins sublimes, mais j'ajouterais aussi qu'elles s'accordent parfaitement les unes avec les autres. Et avant même d'affiner, nous obtenons un assemblage exceptionnel. Mon rôle, dans l'assemblage, est semblable à celui d'un cuisinier. J'ai déjà tous les bons ingrédients, et je les prépare à ma sauce, en cherchant le bon dosage.


Qu'y a-t-il de spécifique à propos du Clos Marey-Monge 2019 ?

C'est un millésime qui vient juste après le 2018, particulièrement concentré et solaire. Le millésime 2019, lui, est marqué par des vendanges plus tardives et des rendements plus faibles. Il présente, comme 2018, une très belle concentration mais avec plus de tension et une belle fraîcheur. C'est un vrai millésime bourguignon. Quant au Clos Marey-Monge Monopole, il reflète à la perfection ce grand millésime. Pur et droit, il dévoile des notes florales et fruitées très délicates. L'année 2019 représente également une étape importante dans l'évolution du Château de Pommard car il est notre premier millésime certifié biologique.


Vous êtes Directeur Technique du Château de Pommard depuis près de 15 ans. Quels grands changements avez-vous mené depuis votre arrivée ?

Il y a eu plusieurs étapes. Quand je suis arrivé, en 2007, j'ai d'abord pris le temps d'observer et la première récolte s'est donc déroulée sans changement. En 2008, j'ai décidé d'arrêter le désherbage chimique, ce qui a impliqué la reprise du travail des sols. C'est une étape qui s'est avérée difficile notamment à cause des vieilles vignes. On a observé une chute brutale des rendements. Mais le jeu en valait la chandelle puisque dès 2008 les vins ont présenté de très belles notes. La deuxième étape importante a eu lieu après le rachat du domaine par Michael -en 2014-. Nous avons décidé d'arracher l'ensemble de la parcelle Emilie - cinq hectares d'un coup !- puis de la replanter en deux fois, en 2016 et en 2017. J'ai déposé la demande pour obtenir la certification bio en 2017, puis la certification Demeter, en 2019, que nous devrions obtenir cette année- et cela a marqué un vrai tournant dans la direction que prendra le domaine durant les prochaines années.


Quels changements avez-vous constaté sur vos vins ?

Certaines cuvées réagissent particulièrement bien à cette conversion, à l'instar de Micault. De manière générale, nos vins présentent davantage d'énergie et de fraîcheur. Ils sont vibrants. Depuis quelques années nous sommes passés aux vendanges entières, ce qui signifie que nous n'égrappons pas systématiquement toute la vendange et nous incorporons une proportion plus ou moins importante de rafles dans nos cuvées. Les arômes ont ainsi évolué vers des notes plus florales et fruitées.


Comment les principes de la biodynamie affectent-ils votre mode de fonctionnement dans les vignes et en cuverie ?

Dans les vignes, on suit le calendrier lunaire pour les préparations et pour les soins spécifiques. Il y a des préparations adaptées à chaque besoin précis. Le grand principe, en biodynamie, c'est de jouer sur un équilibre des forces terrestres et astrales. Par exemple, quand la vigne est en pleine croissance, on sait qu'elle sera plus facilement sujette aux maladies. En prévention, nous avons une préparation à base de silice, la 501, qu'on utilise pour freiner la pousse et renforcer les défenses naturelles de la vigne. En cave aussi, nous travaillons en fonction du calendrier lunaire. Par exemple, on soutire sur des jours dits "racines" ou "fruits". Le collage et le soutirage ne se font que sur Lune décroissante. Pour la vinification, on travaille avec le minimum de soufre autorisé. Les mises en bouteille se font en jours "fruits" et nous évitons toute manipulation en nœud lunaire -lorsque la Lune passe entre le Soleil et la Terre-.


Quels sont les grandes difficultés que vous avez pu rencontrer dans cette conversion à la biodynamie ?

Il faut savoir accepter les aléas que nous impose parfois la Nature et ne pas céder à la tentation d'y remédier par des mesures chimiques ou technologiques. À court terme ces dernières sauveraient peut-être une cuvée ou une perte de récolte, mais à moyen terme, elles nous feraient perdre le bénéfice de tous les efforts consentis jusqu'à présent. Nous devons rester fidèles à nos engagements, même dans les moments critiques, et ne pas tomber dans la facilité que nous propose d'une façon trompeuse la pharmacopée moderne.


Quelle est votre mission principale en tant que vinificateur ?

Faire des vins qui soient les meilleurs possibles ! Mon objectif principal, c'est d'arriver à toujours rester en adéquation entre le millésime et le terroir. Je cherche à traduire l'identité d'un vin et à exprimer le lieu et l'année dont il est issu.


Quel conseil donneriez-vous à un vigneron qui souhaite se lancer dans une conversion à la biodynamie ?

Allez-y ! C'est super agréable de ne plus respirer des produits chimiques à longueur de journée ! Plus sérieusement, je dirais que c'est une expérience intéressante et enrichissante. On est de plus en plus nombreux à la vivre et cela aboutit à des vrais partages. La biodynamie ne repose sur aucune science. C'est un mode de fonctionnement général auquel on adhère, ou pas, et qui repose sur des concepts lointains comme le travail en fonction de la position de la Lune, ou encore les notions de terre, air, eau et feu.


Comment êtes-vous impliqué dans ce grand projet de transformation qui concerne le Château de Pommard ?

Mon travail en lui-même sera impacté puisque nous travaillerons dans de nouvelles conditions, avec des cuveries de nouveau placées au cœur du Château, des cuves thermorégulées et un nouveau système de vendanges. Mon rôle quant à lui restera identique puisque je continuerai à m'occuper des vignes et des vins, et à transcrire au mieux le millésime année après année. Idéalement, j'aimerais faire du Château un lieu de rencontre et d'échanges entre vignerons impliqués dans la biodynamie. Et pourquoi pas proposer des formations destinées aux professionnels avec École V ?


Quelle direction souhaitez-vous voir le domaine prendre pour les prochaines années ?

Le défi le plus important à relever, c'est le changement climatique. La conversion à la bioynamie répond en partie à cette problématique mais ne permet pas forcément d'assurer des ressources pour les générations futures. C'est pourquoi nous nous tournons aujourd'hui vers une agriculture régénératrice inspirée de la permaculture et reposant donc sur la régénération des sols. Notre mission est d'arriver à produire des vins qui soient respectueux de l'environnement et qui n'entament pas les ressources destinées à nos enfants et petits-enfants. L'agriculture a été métamorphosée en cinquante ans, de nombreux "crimes" contre l'environnement ont été commis. On observe aujourd'hui un retour à des méthodes plus traditionnelles, simples et naturelles. Je suis convaincu que de nouveaux concepts apparaitront dans les prochaines années.


Comment gardez-vous votre équipe inspirée et motivée au quotidien ?

L'important, c'est de trouver les bonnes personnes, qui soient passionnées par la Nature. Et par les vins, évidemment ! Ensuite, on trouve toujours de quoi fédérer : la biodynamie ou encore le travail avec les chevaux. Le projet du Château dans sa globalité est aussi un élément fédérateur. Le rôle de mon équipe est essentiel dans ce projet et c'est valorisant pour chacun d'entre nous d'y prendre part d'une manière ou d'une autre. On a hâte de voir le projet se concrétiser !